Les conséquences financières d’une mauvaise traduction
Comme évoqué dans le précédent article, dans la plupart des dossiers internationaux, une grande partie des preuves écrites sont d’abord dévoilées, puis présentées à l’arbitre, par l’intermédiaire des traducteurs. Pourtant, il est assez fréquent que les avocats ne considèrent pas les traductions comme un élément prioritaire et fondent leur choix de prestataire sur un critère de prix ou de rapidité plutôt que de qualité des prestations. Comme développé dans la suite de cet article, cette approche est pourtant synonyme de coûts cachés, tant pour les avocats que leurs clients.
Perdre ou compromettre gravement le dossier d’une partie
Le coût le plus évident réside dans le risque de perdre, ou de compromettre gravement le dossier d’une partie à cause d’une erreur de traduction. Et ce scénario n’a rien d’hypothétique. Dans Occidental c/Équateur, un des plus importants litiges de l’histoire en matière d’investissements, l’insuffisance des traductions anglaises de la jurisprudence équatorienne s’est soldée par une majoration de 40 % des dommages-intérêts accordés – atteignant l’incroyable somme de 707 850 000 USD. Cette partie de la sentence a finalement été annulée par une commission CIRDI ad hoc composée de trois locuteurs espagnols natifs, mais seulement à l’issue d’une longue et coûteuse procédure d’annulation.
Il existe d’autres coûts moins évidents, en particulier pour les membres de l’équipe les plus gradés, qui restent souvent éloignés du travail concret réalisé sur le terrain.
- Occidental Petroleum Corporation & Occidental Exploration & Production Company c/Équateur, Opinion dissidente, CIRDI, ARB/06/11, Opinion dissidente de la Professeure Brigitte Stern, 16 déc. 2011, ¶95-98, 103-104.
- Occidental Petroleum Corporation & Occidental Exploration & Production Company c/ÉQUATEUR, Opinion dissidente, CIRDI, ARB/06/11, Décision d’annulation de la sentence, 2 nov. 2015 (Prof. Juan Fernández-Armesto, Président du Tribunal, Florentino P. Feliciano, Membre de la Commission, M. Rodrigo Oreamuno B., Membre de la Commission).
Passer du temps à régler les problèmes liés à la mauvaise qualité
Ce sont en général les avocats débutants ou les juristes qui commandent les traductions puis les révisent, évaluent leur pertinence et leur importance pour l’affaire, et font des propositions à leurs collègues plus expérimentés quant à la meilleure manière de les utiliser. Évaluer une traduction prend du temps. L’examen (et si l’intéressé connaît la langue source, la correction) d’une mauvaise traduction est en moyenne deux fois plus long que la révision d’une traduction fidèle et lisible. Le temps consacré à régler des problèmes de traduction ne représente pas un simple coût pour votre client, mais accapare aussi le temps et l’énergie que votre équipe pourrait consacrer à d’autres tâches importantes, anéantissant ainsi les soi-disant économies que vous avez cru réaliser en choisissant le prestataire le moins cher.
Mesures concrètes
Quand on a besoin d’une traduction juridique, rogner sur les coûts est donc une fausse bonne idée. Pour ne pas se retrouver « lost in translation » (comme dans le film…), les avocats seraient bien avisés de suivre les conseils développés ci-après.
- Consacrer le temps nécessaire pour choisir et tester un prestataire de traduction juridique compétent ;
- Accorder à ce prestataire des délais suffisants pour produire des traductions fidèles et lisibles ;
- Ne pas fonder leur choix, ou celui de leur client, uniquement sur des critères de prix ou de rapidité.